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Le monument habité - Pour une approche anthropologique

Faisant suite au premier colloque « regards anthropologiques sur les Monuments historiques » qui a eu lieu à Carcassonne en septembre 1997, ce colloque qui s’est déroulé en Italie a eu pour but de sensibiliser les chercheurs en sciences sociales et les responsables de monuments historiques à l’étude des formes contemporaines de la relation entre une société locale et la monumentalisation - architecturale, juridique, touristique - de son espace de vie. Il s’agit de présenter mais aussi de complexifier et d’affiner la typologie des formes et des situations du « monument habité ». Cette réflexion est d’autant plus nécessaire qu’il s’agit d’un domaine relativement neuf pour l’ethnologie, domaine sur lequel se sont constitués des savoirs et des pratiques (historienne, juridiques, administratives, politiques, techniques) qui, émanant d’acteur personnellement impliqués, ont, le plus souvent, méconnu les conditions et les effets sociaux de la classification monumentale.

Le colloque s’est déroulé en partie à Alberobello dans les Pouilles. Ce dernier site constitue en effet un cas particulièrement remarquable en liaison avec la problématique choisie. Comme dans le cas de Carcassonne, le colloque a permis de réfléchir « à chaud » sur une situation locale. Située dans la zone Adriatique ou l’Apennin laisse progressivement place à des zones de collines puis de plaines, la région d’Alberobello (Province de Bari) est aujourd’hui connue pour une spécificité architecturale : les trulli. Il s’agit de bâtiments de pierre sèche constitués d’une base arrondie, de deux mètres de hauteur environ, surmontée d’un dôme élevé selon la technique néolithique de l’encorbellement. On aura reconnu les bories du Vaucluse, les caselles ou capitelles du Languedoc et des Causses, bâtiments voués généralement à l’occupation pastorale passagère ou saisonnière et au rôle de l’exploitation agricole. L’ancienneté de la technique, les regroupements, ici ou là attestés, de ces maisons en ensembles relativement compacts ont fait naître un peu partout un légendaire qui attribue ces formes aux temps « primitifs », celtiques ou préhistoriques... Les trulli des Pouilles se distinguent sur la carte méditerranéenne de cet habitat par le fait qu’ils ont été longtemps et continûment habités et leur regroupement en forme de village est assez fréquent. A partir de chaque cellule constituée d’une pièce unique on voit même se mettre en place des unités domestiques complexes, ses sortes de « maisons en chapelet ». Ce qui ailleurs en Europe relève de l’habitat temporaire ou précaire est donc ici voué à la permanence. Les conditions de la production et de la propriété y sont pour beaucoup ; dans un pays de très vaste latifondi le sous-prolétariat des braccianti a longtemps vécu dans des conditions de précarité qui expliquent l’usage de ces formes archaïques de bâti dont le matériau ne coûtait rien et dont les paysans possédaient la maîtrise technique. Le quartier troglodyte de Matera (les sassi) offre, dans une région voisine, un autre remarquable exemple de ces habitats de la pauvreté.
La réforme agraire qui a suivi la deuxième guerre mondiale a favorisé une profonde modernisation du Mezzogiono rural. Les trulli, parce qu’ils étaient associés aux formes à peine disparues de servage, ont été peu à peu abandonnés, souvent même massivement détruits. Conservés à Alberobello mais de moins en moins habités, reconnus comme pittoresques par les visiteurs, récupérés comme les traces d’une histoire propre au lieu, transformés en emblèmes identitaires et en image de marque, ils ont connu en un demi-siècle un renversement de sens et d’usage. Aujourd’hui, leur restauration - grâce aux crédits de la communauté Européenne - et leur inscription sur la liste du patrimoine mondial de l’Unesco, en font un des hauts lieux du Sud italien. Le processus, ici à peine esquissé, rappelle par bien des traits la monumentalisaton d’autres grands sites historiques - Carcassonne en particulier. L’espace urbain est là aussi divisé en deux moitiés : la ville ancienne avec ses centaines de trulli d’une part, la ville moderne de l’autre, leur rapport hiérarchique venant tout juste de s’inverser.

PROGRAMME

Pietro Clemente : Armungia, il paese di qualcuno

Daniel Fabre : Luoghi abitati, luoghi immaginati, a proposito della trasfigurazione fittizia

Rosa Parisi : Per i 500 anni di Bernalda. Tra rappresentazione della storia e politiche di arredo urbano.

Anna Iuso : Feudo addio. Il riscatto di Alberobello

Christiane Amiel et Jean Pierre Piniès : A Carcassonne, la cité sotto lo sguardo

Bernardino Palumbo :L’Unesco e il campanile. Il caso Militello

Alain Chenevez : Una conversione : la saline di Arc-et-Senans

Valeria Siniscalchi : Il ritorno del futuro : patrimoni, economie e identità nel Sannio

Nino Ciarcia : L’inventario della tradizione Dogon

Ferdinando Mirizzi : I Sassi di Matera : da scandalo etnografico a simbolo della civilità contadina

Amerigo Restucci : Lo sdoppiamento di Matera

Dorothy Zinn : I Sassi di Matera, monumento abitato malgré soi.

Pietro Laureano : I Sassi e l’Unesco

Visite scientifique des Sassi de Matera

Maria Minicuci : Metapontino senza patrimonio

Anna Zisman : Il présente di Antigone à Montpellier

Irène Bellier : I palazzi del potere

Claudie Voisenat : I libri e il monumento : la Biblioteca Nazionale di Francia


Journées d’étude à Matera (Pouilles - Italie), 2000