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Hippolyte Müller (1865-1933), créateur du Musée dauphinois (Grenoble, 1906)

Pseudonyme : Cousin Bénédict

BIOGRAPHIE

Hippolyte Müller naît à Gap le 22 novembre 1865. Son père, Gustave Müller (1827-1910), est alsacien ; sa mère, Françoise Riban (1833- ?) est née à Grenoble.
En novembre1869, la famille Müller vient s’installer à Grenoble, où le père du petit Hippolyte, ancien sous-chef de musique militaire puis professeur de musique au lycée de Gap, donne des cours de violon.
Elève médiocre et de santé fragile, Hippolyte Müller échoue au certificat d’étude et est placé en apprentissage chez des bijoutiers de Grenoble, la Maison Colin frères, en août 1879, il a quatorze ans.

De l’ouvrier bijoutier au préhistorien autodidacte

En 1884, devenu ouvrier bijoutier, il part s’installer à Chambéry où il est embauché dans l’atelier Chevrier, bijoutier traditionnel spécialisé dans la fabrication des croix et coeurs savoyards.
La découverte du musée Savoisien et de ses collections préhistoriques, provenant des « palafittes » du lac du Bourget, marque les débuts de sa passion pour l’archéologie préhistorique.
Au temps de son apprentissage à Grenoble, dans les années 1880, il occupait déjà ses loisirs à arpenter la montagne en quête de minéraux -qu’il collectionnait, comme il collectionnait les monnaies et les timbres-, et avait trouvé, lors d’une de ses excursions dans les environs de Grenoble, sur le territoire de Fontaine, des tessons de céramique qu’il avait conservés, découvrant sans le savoir encore, le site préhistorique des Balmes de Fontaine, constitué s’une série de grottes et d’abris sous roches.
Les collections préhistoriques exposées au musée Savoisien lui font réaliser alors l’importance de sa découverte grenobloise, découverte dont il fait part au conservateur du Muséum d’histoire naturelle de Grenoble, Léon Penet, qui entreprend aussitôt la fouille du site en question.
Il signalera également sa découverte au conservateur du musée de Chambéry, Laurent Rabut, spécialiste de l’archéologie lacustre savoyarde, et entretiendra une abondante correspondance avec les deux savants.
Quand il ne travaille pas, Hippolyte Müller fouille sans relâche les rives du lac du Bourget, mais de santé fragile, il est atteint d’une hémoptysie (hémorragie des voies respiratoires) qui le contraint à une longue hospitalisation. A sa sortie d’hôpital, il revient à Grenoble pour sa convalescence et met à profit cette période de repos obligatoire pour lire des ouvrages d’archéologie, étudier les collections du Muséum et suivre les cours publics de l’Université.
Durant l’été 1885, il obtient un emploi de deux mois au Muséum de Grenoble, où il est chargé de la réorganisation et de l’inventaire des collections, ainsi que de l’organisation du congrès de l’Association Française pour l’Avancement des Sciences (AFAS), qui se tient à Grenoble en août 1885, et pour lequel il réalise sa première exposition sur la préhistoire régionale. A cette occasion, ses connaissances et son enthousiasme scientifique le font remarquer des grands noms de la préhistoire (Breuil, Cartailhac, Chantre, Déchelette, Mortillet...).
Il donne entière satisfaction dans cet emploi temporaire, mais doit retourner travailler à Chambéry. La bijouterie ne l’intéressant plus, il se fera chercheur d’or, puis quittera la région pour Lyon, où il travaille en bijouterie de juin à novembre ; ira à Avignon, Marseille, puis Alger, de janvier à juin 1888 ; envisage de partir en Australie… Mais regagne Grenoble, poussé par son inclination pour la jeune Delphine Gautier (1865-1946) qui deviendra sa femme en juin 1890 et dont il aura trois enfants (Marie, née en 1891, Jean, 1893 et Laurence, 1896).
A Grenoble, il revient à la bijouterie Colin dont les successeurs, MM. Sainson et Morenas l’emploient comme voyageur de commerce cette fois, ce qui lui donne l’occasion de parcourir les Alpes, les Cévennes et l’Auvergne.
De nouveau malade, il quitte cet emploi trop dur pour sa faible constitution.
De 1891 à 1896, Müller travaille pour un opticien grenoblois (l’atelier Cerutti) et s’initie à la photographie, une autre de ses passions. Il n’en continue pas moins ses recherches préhistoriques, en prospectant méthodiquement dans le Vercors où il est le premier à pratiquer une archéologie d’altitude.

En 1894, le docteur Arthur Bordier (1841-1910), nommé professeur à l’Ecole de Médecine et de Pharmacie de Grenoble, reprend contact avec le jeune Müller qu’il avait remarqué lors du congrès de l’AFAS de 1885, et lui propose d’animer les activités savantes de la Société Dauphinoise d’Ethnologie et d’Anthropologie (SDEA) qu’il vient de créer. Grâce à cette structure, Hippolyte Müller présentera et publiera ses premiers travaux scientifiques.
Le 15 octobre 1894, le docteur Bordier, devenu directeur de l’Ecole de Médecine, recrute Hippolyte Müller comme bibliothécaire de l’Ecole, avec un logement de fonction in situ. Libéré des soucis matériels et disposant de loisirs plus importants, Hippolyte Müller va pouvoir entièrement se consacrer à sa passion pour cette toute jeune science qu’est alors la préhistoire. Mais pas seulement, comme le laisse entendre Victor Piraud (1878-1955), conservateur du Muséum d’Histoire naturelle de Grenoble dans les années 1930 :

« La préhistoire fut la discipline scientifique qu’il approfondit avec le plus de passion et de constance, mais l’étude de tout le passé de l’humanité intéressait son esprit toujours en éveil » (V. Piraud, “Hippolyte Müller (1865-1933)”. Bulletin de la SDEA, t. XXIX, 1936, p. 123).

Ou encore, comme le déclare H. Müller lui-même, s’agissant de la hiérarchisation de ses centres d’intérêt scientifique :
« Je place au premier rang tout le cortège des sciences naturelles, botanique, géologie, ornithologie, entomologie, etc., mais je fais passer en tête de tout cela l’anthropologie, la préhistoire et l’ethnographie ».
(H. Müller, “Un peu d’ethnographie”, Le Médecin de campagne, n° 1, juin 1908).

Concernant la préhistoire, Hippolyte Müller va même jusqu’à développer une archéologie expérimentale dont il est le pionnier pour les Alpes :
« Possédant à fond la technique des métaux, ayant acquis une dextérité manuelle surprenante, il put discuter sur les procédés de fabrication anciens et exécuter des reconstitutions d’outils, d’objets préhistoriques qui étonnèrent les savants. Le travail des métaux, de la pierre, de la terre n’ayant aucun secret pour lui, ses avis sur leur technique étaient souvent sollicités dans les sociétés scientifiques et faisaient autorité ». (V. Piraud, “Hippolyte Müller (1865-1933)”. Bulletin de la SDEA, t. XXIX, 1936, p. 123).

Le préhistorien reconnu

Nommé conservateur du matériel de la bibliothèque de l’Ecole de Médecine fin 1896, il reçoit les palmes académiques en 1900 et devient délégué du ministère de l’Instruction publique pour les monuments mégalithiques et préhistoriques de l’Isère et de la Drôme. Il sera gratifié de la rosette d’Officier de l’Instruction publique en 1907.

En août 1904, le congrès de l’AFAS se tient de nouveau à Grenoble. Hippolyte Müller participe bien sûr activement à son organisation et réalise une exposition d’ethnographie préhistorique alpine marquante qui remporte un franc succès (elle présentait non seulement des matériaux préhistoriques, des objets ethnographiques d’Afrique du Nord, mais aussi des objets témoins de ses expérimentations archéologiques).

Un précurseur de l’ethnographie

Le 23 décembre 1904, Hippolyte Müller fait une conférence déterminante devant les membres de la Société des Alpinistes Dauphinois, (elle sera publiée dans la Revue des Alpes Dauphinoises (n° 6 de 1904, pp. 89-102 ; voir le texte intégral reproduit ci-dessous).

Cette conférence intitulée : « Quelques mots d’Ethnographie Alpine » constitue en effet un véritable programme d’ethnologie, totalement précurseur pour l’époque, et préfigurant la création du Musée Dauphinois en gestation.
Lors de cette conférence, Hippolyte Müller déclare sans ambages :
« Il faut faire de l’ethnographie et j’ajoute alpine, parce qu’il faut la faire chez nous, dans nos Alpes ».
Il poursuit sa démonstration en ces termes :
« L’ethnographie […] permet à celui qui lui consacre ses loisirs, de soulever le voile du passé et de voir défiler devant ses yeux ouverts sur d’autres âges, toute la cohorte des ancêtres qui ont foulé le sol natal. Cet homme heureux, sur le simple examen d’une arme, d’un outil, d’un monument, peut évoquer la pensée qui a créé l’objet qu’il étudie […] En s’aidant des travaux d’autres chercheurs, il pourra faire ressortir dans telle ou telle province, une unité artistique, un ensemble industriel, un groupement de faits moraux, intellectuels, des mœurs, des coutumes propres à certaines de ces provinces.
Cette étude et celle de la race, pour toutes les époques préhistoriques et historiques, lui permettront alors de composer un tout, grâce auquel par les faits, les idées et les objets recueillis, il pourra relier les premiers occupants d’un pays à ceux l’habitant encore
 ».

Précisant :
« Mon but est bien simple et il a déjà tenté quelques chercheurs amoureux de leur patrie, j’entends la petite patrie, celle qui nous a vu naître.
En rassemblant les matériaux pouvant servir à créer un musée ethnographique alpin, on sauvera, s’il est temps encore, les expressions matérielles de toutes les manifestations de l’activité et de l’intellect de nos pères, en même temps qu’on réunira les éléments pouvant servir à écrire leur histoire industrielle, scientifique et artistique
 ».

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Texte de la conférence d’H. Müller : "Quelques mots d’Ethnographie Alpine"












Le muséographe insatiable, créateur du Musée Dauphinois…

Se réclamant du Museon Arlaten (Musée Arlésien) créé en 1899, et du Musée Alsacien fondé en 1902, Müller recueille et collecte ce qui est en train de disparaître, happé par la révolution industrielle, dans le but de constituer un musée ethnographique alpin.
Son « Musée Dauphinois » ouvrira ses portes en 1906, « somme de l’histoire d’une région par l’objet », comme il aimait à le définir, et « musée populaire reflétant les coutumes, les mœurs, les usages d’une population particulière ».

« Ses courses dans les Hautes-Alpes, et spécialement dans la haute vallée du Queyras, stimulèrent ses dispositions à l’étude du folklore ; le soin minutieux qu’il mettait à recueillir les moindres vestiges provenant de toute la province dauphinoise et son amour de la collection devaient aboutir en 1906 à la création du Musée Dauphinois. Ce fut la grande œuvre, l’œuvre maîtresse d’Hippolyte Müller à laquelle il travailla des années. Après avoir amassé dans les greniers de l’Ecole de Médecine un nombre incroyable d’objets ayant servi aux occupations courantes de la vie de toutes les époques, il eut la joie de voir la Ville de Grenoble répondre à son désir et à celui de quelques amis en fondant ce musée dont il fut nommé conservateur. Avant de mourir, il eut la satisfaction, sur son lit de douleur, de mettre la dernière main aux épreuves du Guide du Musée dauphinois, petit opuscule qui restera son testament scientifique ». (V. Piraud, “Hippolyte Müller (1865-1933)”. Bulletin de la SDEA, t. XXIX, 1936, p. 124).

Ce « Petit Guide du Visiteur », comme il l’avait intitulé, s’achève par les « Conclusions » suivantes :
« Le Musée Dauphinois offre donc une série d’objets retraçant l’histoire du développement industriel et artistique du Dauphiné depuis l’époque préhistorique jusqu’à nos jours, sa visite permet de suivre l’évolution de sa civilisation au travers des siècles.
Ce sont surtout les objets d’usage courant, humbles expressions de la vie populaire, que l’on y rencontre, leur conservation s’impose d’autant plus que le développement du machinisme et l’accroissement des communications, sont en train de faire disparaître les industries locales et leurs produits.
Le Musée constitue un conservatoire précieux de souvenirs du passé. Il ne satisfait pas seulement la curiosité des visiteurs, il offre aussi matière à de nombreuses études pour les historiens, les ethnographes et les archéologues
 ».
(Ville de Grenoble – 1933 - Musée Dauphinois. Petit Guide du Visiteur. Grenoble, Impr. générale, 1933, p. 16)

… et du Musée de l’économie domestique alpine du Lautaret…

En 1919, au col du Lautaret, à plus de 2000 m. d’altitude, est inauguré le « Musée de l’économie domestique alpine du Lautaret », conjointement au Jardin Alpin (actuel jardin botanique alpin du Lautaret).
Réalisé par Hippolyte Müller, grâce au Touring-Club de France, ce musée ethnographique présente des reconstitutions d’intérieurs alpins, prétextes à l’exposition de meubles et objets de la vie quotidienne des Hautes-Alpes (voir le dossier d’archives sur la création du Musée du Lautaret : fonds Müller, inventaire : ms 2005.26, cote PER/A3/2 de la bibliothèque du Musée dauphinois).
Le musée du Lautaret connaîtra un immense succès touristique (plus de 1000 visiteurs en 1922), mais disparaîtra avec son créateur, dans les années 1930.

… en passant par la reconstitution d’un village alpin

En 1925, Hippolyte Müller participera également à la reconstitution d’un village alpin, notamment de maisons paysannes du Haut Queyras, dans le cadre du “Palais du Tourisme” qui présente les régions françaises à l’Exposition internationale de la Houille blanche et du Tourisme de Grenoble.

L’ethnographe militant

Pendant la Première Guerre mondiale, il fait partie du personnel de l’Hôpital de l’Aigle, à Grenoble, comme employé volontaire auprès des convalescents, étant reconnu de santé trop fragile pour combattre.
Durant cette période, il mènera des actions d’ethnographie “militante”, comme le prouvent des documents tapuscrits signés de sa main qui figurent dans ses papiers (voir notamment le “Dossier Queyras”, fonds Müller, ms 2005.25, cote PER/A3/2 de la bibliothèque du Musée dauphinois).
Dans ce dossier, figure, entre autres documents, un rapport de cinq pages signé « Hippolyte Müller, conservateur du Musée Dauphinois », adressé au Président du Comité régional des Arts appliqués – Section de Grenoble, en date du 16 novembre 1916.
Ledit rapport commence en ces termes :
« Monsieur le Président,
Répondant aux désirs exprimés dans la circulaire ministérielle du 16 octobre 1916, j’ai l’honneur de vous apporter ma faible contribution au travail du Comité que vous dirigez.
Sans compétences particulières, les idées que je prends la liberté de vous exposer, (susceptibles de développement), sont basés surtout sur ce qui a pu être recueilli dans nos musées, concernant nos industries dauphinoises et nos arts ruraux disparus. Le Musée Dauphinois, quoique jeune, pourra donner de visu, de nombreux enseignements sur ce vaste sujet.
Ce rapport, constitué hâtivement, n’a pas d’autres prétentions, que celle de contribuer modestement à augmenter la source des renseignements susceptibles d’être utilisés par votre Comité
 ».

Müller passe ensuite en revue la « Sculpture dite au couteau »et les « Dentelles », « industries alpines disparues ». La « Bimbeloterie », pour laquelle il pose la question suivante :
« Pourrait-on créer des ateliers villageois pour fabriquer des objets destinés aux touristes ? ».
Au sujet de la « Céramique populaire », il précise :
« Le Musée Dauphinois possède des échantillons des fabriques céramiques en voie d’extinction. Elles étaient nombreuses autrefois dans le Dauphiné. Les grandes usines envoyant leurs produits mieux conditionnés dans les bourgs éloignés, grâce aux communications meilleures, ont tué les fabriques locales ».
Sont citées également les « Tailleries de pierre de bijouterie » et les « Parfums ».
Et de conclure par :
« Il faut agir vite, les conseils généraux, les municipalités sollicitées, donneraient les noms des citoyens dévoués qui se chargeraient des études.
Des circulaires guides impératives, précises, brèves, la promesse de quelques distinctions honorifiques, un large encouragement à l’initiative et à la création de coopératives communales, feraient surgir des idées, des actes et des résultats
 ».

Figure également une lettre tapuscrite d’H. Müller, de deux pages, datée du 13 novembre 1917, et destiné au journal Le Dauphiné, qui dit en substance :

Entête : Comité régional des Arts appliqués. “Pour Le Dauphiné”

« Au cours des réunions de ce comité – dont le siège est à la Préfecture de GRENOBLE, sur l’initiative de Mme BORGEY, Professeur de broderie et de dentelle à l’Ecole des Beaux Arts, il a été décidé qu’un effort serait fait, pour essayer d’introduire la fabrication de la dentelle dans nos hauts villages alpins ».

Le dernier paragraphe conclut l’argumentaire de la manière suivante :
« Il faut espérer qu’à côté de la fabrication de la dentelle, nous pourrons bientôt enregistrer également d’autres industries employant le bois, les pierres des Alpes, etc., dont l’ensemble en apportant plus de bien-être chez nos montagnards, supprimerait également certaines causes du dépeuplement de nos campagnes ».

Suit une « Etude sommaire sur la création d’une industrie hivernale Alpine ».

L’enseignant de terrain

Devenu l’un des grands préhistoriens de son temps (il correspondra avec Mortillet, l’abbé Breuil, Ernest Chantre, Déchelette, etc.) Hippolyte Müller fera des conférences et dispensera des cours sur la préhistoire et les origines de l’homme, d’abord dans les écoles normales de la région puis, à partir de 1921, à la Faculté des Lettres de Grenoble, où il assure non seulement des cours magistraux, mais aussi des cours du soir, n’hésitant pas à emmener les étudiants sur les différents sites préhistoriques d’altitude dont il est l’inventeur !

Le retraité actif

Hippolyte Müller prend sa retraite en 1926, non sans avoir reçu la croix de chevalier de la Légion d’Honneur pour son œuvre scientifique.

Il quitte Grenoble en 1928 avec sa femme pour s’installer à La Tronche, à quelques kilomètres de Grenoble.

Il continuera néanmoins, jusqu’en 1932, à dispenser des cours à l’Université de Grenoble sur les origines du Dauphiné, ainsi que des conférences à l’Ecole des Arts industriels de Grenoble, retraçant l’histoire de l’artisanat depuis la préhistoire.
Cette même année 1932, la ville de Grenoble lui décerne la Médaille des Employés municipaux.

Hippolyte Müller meurt le 23 septembre 1933 et est enterré dans le cimetière de La Tronche, où il avait découvert des sarcophages gallo-romains.

Voici comment le décrit Victor Piraud, conservateur du Muséum d’Histoire naturelle de Grenoble, dans la biographie qu’il lui a consacrée après sa mort :
« Il faudrait ne l’avoir jamais vu, (…) pour oublier cette stature élancée, ce visage bronzé taillé à coups de hache qu’encadraient de longs cheveux et une barbe épanouie, visage éclairé, illuminé par des yeux pleins de malice, dont le regard scrutateur passait au-dessus de vieillottes lunettes pour examiner et apprécier en quelques instants une hache de pierre ou un bijou de bronze. Toujours de bonne humeur, il s’exprimait, avec un léger accent du terroir grenoblois, dans un langage parfois un peu libre qui n’était pas sans finesse ; plein d’entrain, il savait être un ami, et, comme tous ceux qui l’ont connu, les Rhodaniens ont eu maintes occasions d’apprécier ses hautes qualités morales.
Sachant faire profiter de son grand savoir tous ceux qui lui demandaient quelques avis ou quelques conseils, il sut communiquer son enthousiasme
à des chercheurs ».
(V. Piraud, Bull. de la SDEA, 1936, p. 134)

Ou encore le géographe André Allix (1889-1966), dans la nécrologie qu’il écrit pour Les Etudes rhodaniennes (vol. 9, n° 3-4, 1933, p. 282) :
« Ceux qui, comme moi, ont connu dès l’enfance la joie et le profit de sa fréquentation, n’oublieront pas de sitôt cette haute et anguleuse silhouette, serrée en des vêtements de coupe presque militaire ; cette bicyclette de centaure qui fut un des spectacles de Grenoble ; cette barbe épanouie, ce regard étincelant derrière de grosses lunettes, et cette ronde voix narquoise, écho d’une personnalité bien frappée, puissante comme l’Alsace et subtile comme le Dauphiné  ».

Conclusion

« Lorsque nous considérons, depuis le Musée dauphinois d’aujourd’hui, l’œuvre d’Hippolyte Müller, nous sommes étonnés de nous sentir si proches de sa conception du patrimoine culturel alpin, et des stratégies qu’il a initiées tant au niveau de son étude interdisciplinaire qu’à celui de sa valorisation. Etonnés aussi de constater que personne, parmi les contemporains de Müller, ne peut lui être comparé. Par l’étendue des domaines qu’il couvre, par la qualité scientifique de sa pensée, par sa modernité aussi, compte tenu de la place qu’il accorde à l’histoire et à l’expérimentation, et du fait de l’importance et de la cohérence des collections qu’il a laissées, l’œuvre de Müller n’a pas d’équivalent. Tout, de la nature et des hommes, l’intéresse, sans a priori, sans cloisonnement d’aucune sorte. Seule une pareille attitude pouvait favoriser l’émergence d’une véritable anthropologie régionale ».
(Jean-Claude Duclos et Jean-Pascal Jospin, Aux origines de la préhistoire alpine : Hippolyte Müller (1865-1933), Avant-propos, pp. 13-14).

SOCIABILITE

. Académie Delphinale (date de fondation, 1772) : élu membre le 27 décembre 1918
. Association Amicale du Personnel des Musées et Bibliothèques de la Ville de Grenoble : membre
. Association Française pour l’Avancement des Sciences (AFAS, créée en 1872) : membre en 1902
. Association Générale des Conservateurs de Collections publiques de France
. Groupement Historique pour l’Histoire du Dauphiné : membre en 1929
. Loge maçonnique de l’Alliance écossaise de Grenoble, à laquelle il adhère en 1903
. Rhodania : Association des Préhistoriens, Archéologues classiques et Numismates du Bassin du Rhône : cofondateur en 1919, avec Charles Cotte, notaire à Pertuis. Il en est président de 1919 à 1921
. Société Amicale et Philanthropique des Hauts-Alpins (Grenoble) : adhérent le 11 juin 1923
. Société Dauphinoise d’Amateurs Photographes (1890-1920)
. Société Dauphinoise d’Ethnologie et d’Anthropologie (SDEA), qui tient sa 1ère séance le 22 janvier 1894 : admis comme membre le 5 mars 1894. Il la dirigera de 1910 à 1933.
. Société Dauphinoise d’Etudes Biologiques (le Bio-Club) dont il sera président en 1921
. Société de Statistique de l’Isère
. Société des Alpinistes Dauphinois (fondée à Grenoble le 12 février 1892)
. Société des Alpinistes Vapinciens (fondée à Gap en 1879) : membre titulaire en 1883
. Société des Collectionneurs Dauphinois
. Société des Hauts-Alpins
. Société Nationale des Antiquaires de France : correspondant national à Grenoble, le 7 novembre 1906
. Société Nationale des Sciences naturelles et Mathématiques de Cherbourg : membre correspondant le 8 décembre 1905
. Société pour la Protection des Paysages de France (fondée le 1er juillet 1901) : membre de la Commission départementale des sites en 1925
. Société Préhistorique Française (fondée en1904) : délégué pour l’Isère le 25 avril 1908
. Société Timbrophile Grenobloise : fondateur en 1894 et « président honoraire par acclamation et membre à vie, sans cotisation »
. Touring-Club de France : membre en octobre 1905 du Comité départemental de protection des Sites et Monuments pittoresques” constitué par le Touring-Club pour la « défense et la mise en valeur des beautés naturelles de la France »

PUBLICATIONS D’HIPPOLYTE MÜLLER

« On peut énumérer environ trois cents cinquante articles de lui ; ce sont de courtes notes, […]. Il n’en a retenu, lui-même, que cent quatre-vingts environ, disposés en ordre numérique comme tirages à part. Six d’entre eux seulement dépassent une étendue de trente pages, et le plus long arrive à cinquante. C’est un ensemble d’environ dix-sept cents pages qui restent comme témoignage de son activité ». (G. de Manteyer, “La vie de M. Hippolyte Müller”, p. 67).

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Bibliographie d’H. Müller (sauf archéologie)



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Publications d’H. Müller en archéologie









POUR EN SAVOIR PLUS…

Allix, André. “Nécrologie. Hippolyte Müller”. Les Etudes rhodaniennes. Vol. 9, n° 3-4, 1933, pp. 281-282

Aux origines de la préhistoire alpine : Hippolyte Müller (1865-1933). Grenoble, Musée dauphinois, 2004, 104p.

Bocquet, A. “Hippolyte Müller”. In Le Vieux Grenoble, ses pierres et son âme / René Fonvieille. Grenoble, Roissard, volume 2, 1968, pp. 247-249

Bolle, Pierre. “Hippolyte Müller vu par Félix Jourdan”. Le Monde alpin et rhodanien, 1er-2e trim., 1983, pp. 115-120

Duclos, Jean-Claude. “Hippolyte Müller et le Musée Dauphinois”. In : « Fondateurs et acteurs de l’ethnographie des Alpes ». Le Monde alpin et rhodanien, 1er-4e trim., 2003, pp. 91-107

Duclos, Jean-Claude et Jean-Pascal Jospin. “Avant-propos”. In : Aux origines de la préhistoire alpine : Hippolyte Müller (1865-1933), p. 7-14

Gautier, F. “Voici dans quelles circonstances j’ai fait la connaissance d’Hippolyte Müller”. Bulletin d’histoire des Amis de la vallée de la Gresse et des environs, n° 21, pp. 43-45

“Liste chronologique des publications d’Hippolyte Müller”. Bibliographie établie par MM. V. Piraud et A. Vassy, avec renseignements fournis par M. H. Massemy. Bulletin de la SDEA, t. XXIX, 1936, pp. 136-149

Manteyer, Georges de. “La vie de M. Hippolyte Müller”. Bulletin de la Société d’études historiques, scientifiques et littéraires des Hautes-Alpes, n° 25, 26, 27, 28, 1938

Massemy, Laurence et Joisten, Charles. “Hippolyte Müller conteur”. Le Monde Alpin et Rhodanie, n° 3-4, 1973, pp. 113-114

Piraud, Victor, avec la collaboration de E. Esmonin, R. Latouche, L. Léger, G. Letonnelier et J. Offner. “Hippolyte Müller (1865-1933)”. Bulletin de la SDEA, t. XXIX, 1936, pp. 119-135

Trabucco, Karine. “Hippolyte Müller : sa biographie”. In : Aux origines de la préhistoire alpine : Hippolyte Müller (1865-1933). Grenoble, Musée dauphinois, 2004, p. 19-29.


LE FONDS HIPPOLYTE MÜLLER

L’ensemble des archives d’Hippolyte Müller se trouve au Musée Dauphinois qu’il a fondé en 1906.
Sa fille cadette, Laurence Müller (1896-1993), épouse Massemy, fera don au Musée en 1978 d’une grande partie de papiers et collections de son père.

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Inventaire partiel du fonds Müller












Fiches en relation :


- Société dauphinoise d’ethnologie et d’anthropologie

- Bordier, Arthur, fondateur de la SDEA




Auteur
Florence Galli-Dupis
Ingénieur d’études CNRS
Lahic/IIAC (UMR 8177)
Archivethno France 2010


Autodidacte, préhistorien, ethnographe, muséographe et enseignant, il est le créateur en 1906 du Musée dauphinois.


Documents visuels :