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Du symptôme au fantôme : l’archéologue et la jeune fille dans la Gradiva de Jensen.

En 1903 le romancier allemand W. Jensen publie une magnifique nouvelle intitulée : « Gradiva. Une fantaisie pompéïenne ». En 1906, Jung en recommande la lecture à son ami Freud qui, en 1907, en publie un commentaire enthousiaste : « Le délire et les rêves dans la Gradiva de Jensen ». Depuis, l’héroïne du roman connaît une vraie carrière de star : la fascination qu’elle continue d’exercer sur l’imaginaire des savants et des artistes, incite l’anthropologie à interroger cette figure exhumée par Jensen et dont il confie l’ « invention » au héros de sa fiction romanesque : Norbert Hanold, un jeune docteur en archéologie. Entièrement consacré à l’étude des vestiges du passé, il s’intéresse peu à la vie quotidienne et n’éprouve aucun attrait pour les femmes de chair auxquelles il préfère les femmes de pierre conservées sous forme de statues ou de bas- reliefs. Dans sa collection il possède un moulage ramené de Naples, représentant une jeune fille sculptée de profil, avançant à vive allure qu’il décide d’appeler : Gradiva (celle qui s’avance). Le mouvement est rendu sensible par le drapé de la robe et par la position insolite du pied droit. Ce détail finit par obséder le jeune archéologue qui se lance dans une enquête podologique effrénée. L’obsession tourne au cauchemar. Il fait un rêve dans lequel il se trouve à Pompéï au moment précis de l’éruption du Vésuve. Sa gradiva est là, réplique vivante, incarnée, du bas-relief ; et il assiste impuissant à son ensevelissement sous une pluie de cendres. Ce rêve induit le désir subit de retourner vers la ville engloutie où se déroulera l’intrigue amoureuse de l’archéologue et de la jeune fille.
On interrogera cette intrigue, construite à partir de jeux d’enfouissements et qui concernent tout à la fois la pratique archéologique, la cure analytique, les démarches esthétiques mais aussi des coutumes reliées aux mythes et aux rites auxquels l’ethnologue est plus souvent confronté.


Par Lucie Desideri,
Le 16 Décembre 2003,
au GARAE.