Au miroir des revues

A considérer, au cours des dernières décennies, l’image qu’offrent les publications ethnologiques dans le domaine européen, et plus particulièrement les revues issues de la discipline, se dessine une mosaïque aux formes fluctuantes qui traduit assez bien la richesse et le dynamisme des interrogations anthropo-logiques dans ces pays. Aisément constatable cette multiplicité ne peut pour-tant faire ignorer un problème crucial puisqu’il conditionne l’existence même de ces publications à savoir celui de la circulation de l’information les concer-nant ; car, mis à part les grands titres, où trouver telle revue régionale ita-lienne, tel bulletin ethnographique portugais, catalan ou français ? En effet faute de réseaux véritables de diffusion - celle-ci restant le plus souvent le fait des rares librairies spécialisées ou d’institutions que leurs faibles moyens condamnent à une certaine discrétion - force est de constater la difficulté qu’il y a à prendre connaissance de matériaux précieux voire d’articles de fond indispensables au bon avancement de recherches en cours.
Sans prétendre, à lui seul, pallier cette carence le Garae-Hésiode s’efforce de créer un instrument qui soit à la fois un lieu de centralisation et d’échanges. Engagées depuis une dizaine d’années les actions liées à la première préoccupa-tion ont permis de réunir une documentation considérable en cours d’informa-tisation. Dans le même temps le Garae-Hésiode se veut lieu de réflexion autour de cette thématique comme en témoignent les actes de ce colloque - centré autour des revues d’ethnologie d’Europe du Sud - organisé en liaison avec le Centre d’Anthropologie des Sociétés Rurales de Toulouse (Cnrs—Ehess) et qui s’est déroulé du 13 au 15 décembre 1985 à Carcassonne.
L’enjeu de ces rencontres était triple : analyser, débattre et donner à voir. Il appartenait dès lors, dans un premier temps, aux membres des revues présentes d’exposer leur dessein et leur parcours. Très riches tant au niveau des intentions des comités de rédaction que dans l’inscription sociale et politique à des moments donnés de l’histoire qu’elles donnaient à lire, les communications connaissaient les limites d’une introspection impossible.

Que signifie l’écart entre désir initial tels que les éditoriaux des numéros de tête le disent et la succession des contributions au fil des années, comment se sont effectués inconsciemment ou non, tel choix ou tel refus, quelle volonté sous-tendait la revue à une période donnée... ? Il revenait aux historiens et à d’autres acteurs moins impliqués dans un projet éditorial ou dont l’étude s’était fixée les revues ethnologiques comme objet d’éclairer les facettes de cette dialectique.
La mise à jour de ces perspectives ne pouvait que nourrir un débat des plus forts autour de quelques-uns des points soulevés par les intervenants : quels traits communs y a-t-il entre des bulletins quasiment confidentiels, à l’usage interne d’une petite communauté, et des revues de prétention internationale entendant avant tout trouver un écho dans la communauté scientifique la plus large ? Face aux pressions de mouvements ou de partis qui entendent en faire un outil privilégié de l’affirmation de leurs thèses, quelle est la marge de la revue ? Tout aussi concrètement de quelle manière les publications concilient-elles les impératifs du savoir et la gestion intellectuelle et matérielle du quoti-dien ?
Dernier aspect de ces rencontres enfin dont rend en partie compte l’annuaire des revues situé en fin de volume, le forum permanent fait de stands, d’une librairie et d’une bibliothèque qui offrit à la consultation plus de trois cents titres, préfiguration de ce que pourrait être le lieu régulier d’échanges et de rencontres souhaité par tous les participants.

Jean-Pierre PINIÈS

Pour un compte rendu détaillé des rencontres on verra Dominique Blanc, «  Les revues d’ethnologie de l’Europe du Sud », L’Homme janvier-mars 1987, n° 101, pp. 142-145.