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Musiques de Dieu, musiques du Diable. Anthropologie des formes symboliques du son dans la musique française du Moyen Age et de l’âge baroque.

Alors que l’Antiquité tardive jette les premières bases d’une classification méthodique des instruments de musique, une autre classification se profile depuis Aristote. Elle découle d’une philosophie musicale fondée sur les effets du timbre (intensité, fréquence) sur l’âme et le comportement humain. Cette théorie a pour effet d’établir une classification des timbres musicaux. Passée dans le monde arabe et musulman dès le Xème siècle, on la voit émerger deux à trois siècles plus tard en Occident sous la forme d’une typologie dualiste, ce qu’elle n’était pas à l’origine.

C’est le début d’une étonnante dualité musicale, celle du haut(sonore) et celle du bas (peu sonore)

Dans le domaine strictement religieux, il semble que le domaine du bas soit prééminent. Symbole de l’humilité, il introduit au plan musical une esthétique de la suavité et de l’harmonie particulièrement apte à établir une communion mystique. C’est alors toute la grande famille des instruments de musique « bas » (généralement à cordes) qui bénéficie d’une tolérance particulière des Pères de l’Eglise. A l’opposé, la famille (moins nombreuse) des « hauts » instruments est exclue de leurs textes

Une recherche de ce type met en évidence la forte opposition d’une musique « basse » (religieuse, funèbre ou de divertissement) et d’une musique « haute » dont la finalité est sociale, politique, et qui, de plus, est liée au monde des morts, à l’enfer, aux pratiques de sorcellerie. Cette opposition symbolique dont la gestuelle des musiciens, des danseurs ou des divers auditoires est à la fois l’illustration et le prolongement, ramenée à l’importance de la religion chrétienne dans le monde occidental du Moyen Age et de l’âge baroque, peut se résumer au dualisme de l’humilité et de l’orgueil, voire de la vanité. Elle revient alors à poser la question des rapports entre morale et esthétique, question dont l’examen approfondi peut apporter des réponses quant à l’évolution des instruments de musique et l’histoire des pratiques musicales.


Par Luc Charles-Dominique,
le 25 juin 1997,
au GARAE.