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(1854-1928)

Jules Momméja
(1854-1928)

Sujets : Littérature orale du Tarn-et-Garonne, Légendes historiques, Superstitions, Sorcellerie, Religion populaire, Architecture rurale, Vie rurale.

Sujets annexes
 : Archéologie et préhistoire du Lot-et-Garonne et du Tarn-et-Garonne, Histoire de l’art.

Relations : Antonin Perbosc, Jean-François Bladé, Camille Jullian, .

Sociabilité : membre de la Société historique et archéologique du Tarn-et-Garonne, de la Société académique d’Agen et de la Société française d’Archéologie (Paris).

BIOGRAPHIE

Pierre Jules Momméja naît le 13 août 1854 à Caussade, dans le Tarn-et-Garonne, au sein d’une famille de propriétaires terriens, de confession protestante. Elève au Collège de Caussade, il poursuit ses études au lycée de Montauban, où il obtient le baccalauréat. Là s’arrête pour lui l’apprentissage scolaire ; l’essentiel de sa formation provient d’autres sources, de son milieu, de ses lectures et de la fréquentation des érudits locaux, archéologues et préhistoriens. Sans être riche, sa famille semble suffisamment aisée pour lui permettre de s’adonner à sa passion de l’histoire locale, sans trop se soucier d’un emploi. Sa carrière débute très tôt. Il a dix-sept ans lorsque paraît son premier travail, dans Le Républicain du Tarn-et-Garonne, "Géologie locale. La grotte de Mayellon", qui lui ouvre les portes de l’érudition locale et lui vaut d’être nommé, l’année suivante, membre de la Société Archéologique du Tarn-et-Garonne. Il fait quelques voyages en Italie, en Grèce, en Angleterre, soutenu dans ses projets par différentes sociétés savantes qui accueillent avec bienveillance ce jeune archéologue prometteur.

Sa notoriété dépasse peu à peu le cadre de sa région. Membre de la Société Française d’Archéologie, il se voit chargé d’organiser la 68° session de son Congrès, qui a lieu à Agen et Auch, en 1901. Il devient, en 1905, membre du "Comité des sites et Monuments pittoresques", auprès du Touring Club de France, année où le Dictionnaire Géographique et Administratif de la France de Joanne lui ouvre ses colonnes. Il obtient même une certaine reconnaissance parisienne, ponctuée de quelques titres honorifiques. Correspondant de la Commission des Monuments Historiques, correspondant puis officier du Ministère de l’Instruction Publique, ses notes sont lues au cours des séances de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et de la Sorbonne.

Avec la notoriété, viennent enfin les emplois rémunérés. En 1885, il se voit confier le soin de réaliser un inventaire des dessins d’Ingres, puis en 1892, celui de réaliser une biographie du peintre. Ce qui lui vaut d’être nommé, en 1898, conservateur du musée d’Agen. Sans délaisser l’archéologie, il s’installe alors dans une carrière de critique d’art, suffisamment reconnu pour que les revues L’art et La Gazette des Beaux-Arts lui commandent plusieurs articles payés.

Si l’archéologie et la critique d’art lui valent quelque reconnaissance, il se consacre aussi au folklore, consignant chants, superstitions, légendes historiques..., dessinant coiffes et éléments architecturaux. Une activité qui l’accompagnera durant toute sa vie mais avec discrétion puisqu’il ne publiera guère d’articles de folklore.

Lorsqu’il abandonne le musée, en 1917, il se retire à Moissac, la plume à la main, s’accommodant parfaitement de cette image de vieil érudit misanthrope et affairé, toujours prêt, pourtant, à servir l’histoire locale, qu’il n’a cessé de cultiver. Il meurt en 1928.

L’OEUVRE

S’il doit sa relative notoriété à l’archéologie et à la critique d’art, Momméja s’est aussi intéressé au folklore. Un intérêt qui puise à diverses sources. D’une part, partageant une sorte de théorie des survivances selon laquelle la tradition serait le "vivant fossile" de très anciennes coutumes, Momméja trouve d’abord là un moyen supplémentaire pour "faire parler les pierres". Le folklore au secours de l’archéologie en somme. D’autre part, Momméja, pétri de nostalgie à l’égard de la société de son enfance, est convaincu qu’il est le dernier témoin d’un monde qui meurt, que cette fin du XIX° siècle court à sa perte, dévorée par le progrès. En dernier lieu, son travail de folkloriste s’apparente également à un travail biographique, prolongeant l’oeuvre de son père et de son grand-père qui consignait déjà les chansons populaires, mais également sorte de chronique d’une famille de propriétaires terriens en cette fin de XIX° siècle. En effet, Momméja ne sera jamais l’homme des questionnaires, des enquêtes d’envergure. C’est au contraire dans l’intimité de son foyer, au coeur de son quotidien qu’il mêne l’enquête, consignant les moindres faits et dires de sa maison de Monteils, les travaux et les jours, notant soigneusement les remarques de ses métayers, relevant les réparties des membres de sa famille, les conversations de ses voisins. Ses informateurs ne sont autres que ses proches, parents et employés, son terrain se limite aux lieux qu’il fréquente au quotidien, son Caussadais natal. En somme, une sorte d’écriture de soi avec, en toile de fond, le folklore.

Il n’est pas exagéré d’affirmer que cet intérêt a accompagné Momméja tout au long de sa vie. On est alors étonné de constater que l’essentiel de son travail est resté à l’état de manuscrits, les rares publications étant réservées à la presse locale. Un silence étonnant pour un ami d’Antonin Perbosc, avec lequel il correspondra pendant plus de trente ans, pour un membre du Félibre Rouge qui appelait de ses voeux, au début des années 1890, une renaissance littéraire et artistique du Midi. Mais un silence prudent qui s’explique sans doute par la présence de Jean-François Bladé qui, pour être ami de la famille Momméja, n’était pas prêt à supporter la moindre concurrence sur son terrain de prédilection.

La Première Guerre mondiale va modifier radicalement l’attitude de Momméja à l’égard du folklore. Légitimant son patient et discret travail de collecte, le Ministère de l’Instruction Publique appelle à la "collecte de la tradition orale pendant la guerre". Demande à laquelle Momméja répond avec le plus grand zèle, décrivant scrupuleusement le quotidien de l’arrière mais consignant également ses souvenirs, toutes ces "vieilles histoires des collines" qu’il a patiemment recueillies. Conscient désormais que ces notes de folklore sont des “ sujets de haute actualité ”, Momméja se lance alors au lendemain de la guerre, dans un important travail de réécriture, mettant à profit les fruits de sa collecte, notes et croquis, aux fins de publications. Les Cahiers noirs, Les pierres du gué, les Chants populaires du Caussadais et plusieurs contes devaient voir le jour. Seuls deux contes paraîtront, quelques mois après sa mort.

PUBLICATIONS

L’archéologie et la critique d’art constituent l’essentiel des publications de Momméja.

1930. Causeries sur les origines de Moissac, essai de synthèse historique sur les arrondissements de Moissac et de Montauban avant la fondation de cette dernière ville, Moissac, Impr. Gainard
1905. Collection Ingres au Musée de Montauban, Paris, Plon
1910. Les découvertes de Sos. Les mines de fer de Sos, Bordeaux
1911. Du Mexique au siège de Paris. Les collections de l’abbé Lanusse, Agen, Impr. moderne,
1903. L’oppidum des Nitiobriges, Caen, H. Delesques
1924. Contes de la vallée de la Bonnette, recueillis par Jean Hinard, traduits par Antonin Perbosc, préface de Jules Momméja, Paris, Champion
1905. Quercy, (article sur le), in Dictionnaire géographique et administratif de la France, publié sous la direction de Paul Joanne, Paris, Hachette
Septembre 1909 à Juillet 1910."Au pays des Antiquaires", L’âme gasconne
1907. "Etudes rustiques d’après nature. Le feu de la Saint-Jean", L’âme gasconne : 200-203 et 227-229
Date, "Les tableaux du château d’Aiguillon et le musée d’Agen", L’art, Tome LVIII : 207-212
1923. "A Bruniquel, au temps où ’le pôle du Septentrion gravitait vers la brillante du Cygne’. Notes à Propos de deux bois gravés inédits", BSATG : 22-23
1918. "Gastronomie populaire : Rustiques friandises traditionnelles du Quercy : coqous des Sarrasis, mariotos et tchaoudeletsq", BSATG : 157-161
1902. "Commentaire archéologique sur un vers de Victor Hugo", La correspondance historique et archéologique : 43-52
Août 1902 - Janvier 1903. "Bernard Palissy agenais", La correspondance historique et archéologique : pages
1898. "Les dolmens en Grèce", La correspondance historique et archéologique  : 53
1896. "Rabelais et les monuments préhistoriques", La correspondance historique et archéologique : 5-11
Mai 1928. "Celle qui couchait avec les morts", Divona 22
Juin 1929. "Pouziniès", Divona, 11
Janvier 1928. "Tourrèno, le grand faucheur", Divona, 18
1898. "Dom Bernard de Montfaucon et l’archéologie préhistorique", Revue de Gascogne : 5-22 et 73-88
1902. "Les journaux de mer de Florimond Boudon de Saint-Amans (aux Isles sous le vent et aux Antilles 1767-1769), Revue de l’Agenais, pages
1891. "Pieds-d’Or, essai de mythologie gasconne", Revue de l’Agenais : 415-425 et 480-502

LES FONDS MOMMEJA

L’essentiel des papiers de Jules Mommeja a été déposé par ses descendants aux Archives Départementales du Tarn-et-Garonne à Montauban. Un fonds Mommeja a également été remis en 1958 aux Archives Départementales du Lot-et-Garonne à Agen. Il concerne essentiellement l’archéologie et la préhistoire. La Bibliothèque Municipale de Toulouse possède la correspondance de Momméja à Antonin Perbosc (Ms 1417). Le Collège d’Occitanie, à Toulouse, conserve un fonds Momméja, composé de six lettres de Momméja à Prosper Estieu, l’une des grandes figures du Félibrige Rouge [CP 600 (44)]. Le Musée Ingres de Montauban possède un fonds composé de dessins et de calques, fruit du travail de Momméja sur Ingres. Le Musée d’Agen ne possède pas de fonds Momméja strictement identifié mais on trouve des manuscrits de Momméja concernant différentes expos, collections, etc.

Archives Départementales du Tarn-et-Garonne (Montauban)

26 J (Ms 255/1-388) Le fonds Momméja , très important est répertorié sous les côtes Ms 255-1 à Ms 255-387. Son inventaire, classé par discipline et, de ce fait, privilégiant l’angle archéologique a été réalisé par Mathieu Méras (Inventaire du fonds Jules Momméja (1854-1928) / Mathieu Méras, dactylographié, sans date). Certains documents répertoriés en archéologie intéressent en fait directement le folklore. L’interprétation qui en est ici donnée met systématiquement en valeur tout ce qui intéresse le folklore, sachant que l’essentiel de son travail de folkloriste est resté à l’état de manuscrits.

On remarque particulièrement :
Les Pierres du gué, Fonds Momméja (pas de côte)
Chants populaires du Caussadais, MS 255-54
Journal, carnets de notes et de voyages, MS 255-1 à Ms 255- 31
Les Cahiers Noirs, MS 117-1 à Ms 117-12

Les archives de Jules Mommeja comprennent :

- Ms 255-1 à Ms 255 31 : Notes personnelles ou sur des sujets généraux.
Il s’agit des carnets de terrain, des journaux dont Momméja ne se séparait jamais. Il y consignait tout ce qui faisait le quotidien de l’érudit local, une espèce de cabinet de travail sur le papier. On y trouve des notes de lecture, des copies de correspondance passive et des brouillons de correspondance active, des notes de travail, des esquisses d’articles et de très nombreux dessins, faïences, détails architecturaux, mobilier du musée d’Agen. L’essentiel concerne l’archéologie ; l’ethnographie est marginale mais présente malgré tout. Ils couvrent la période 1891-Octobre 1914.

- Ms 255-32 à Ms 255-43 : Correspondance active et passive

- Ms 255-52 à Ms 255-77 ter : Folklore occitan
Il s’agit de dossiers d’une importante très inégale. Certains se limitent à quelques lignes jetées à la hâte sur une feuille volante (Ms 255-70 : le diable en bouteille), d’autres sont manifestement des manuscrits destinés à une publication sous forme d’article (Ms 255-57 : Comment se forment les légendes de sépultures merveilleuses) voire sous forme d’ouvrages plus ambitieux (Ms 255-54 : Chants populaires du Caussadais). Sous la cote Ms 255-67, on trouve une série de dessins de Coiffes du Tarn-et-Garonne.

- Ms 255 - 80 à Ms 255 -280
Ces manuscrits, d’inégale importance, referment une grande partie de ses recherches d’archéologie et d’histoire de l’art : onomastique, toponymie, biographies, archéologie antique et paléochrétienne, notes sur le Tarn-et-Garonne, Caussade, Moissac, Montauban. Parmi ceux-ci, sont insérées quelques pages intéressant plus particulièrement le folklore sous les cotes Ms 255-83 (Notes sur Tholin, le folklore) ; Ms 255-109 (quelques propos de Jean-François Bladé) ; Ms 255-133 (de Saint-Didier et des survivances de la tradition antique en Languedoc et Quercy) ; Ms 255-188 (dessins concernant Caussade, Moissac et sa région) ; Ms 255- (les hommes sauvages, les armoiries de Caussade).

- Ms 255-333 à Ms 255 -354 : Dessins
Parmi les sarcophages et autres antiquités, se glissent à nouveau des dessins de coiffes ( Ms 255-349) et des paysages et portraits (Ms 255- 351)

- Ms 255-373 : Momméja (Hugues). Variétés. Notes sur la guerre de Crimée. Chants du XIX° siècle.
Il s’agit du résultat de la collecte du père de Jules Momméja.


14 J Fonds Momméja-Villeneuve
Complémentaire du Fonds Momméja Ms 255, ce fonds non classé contient des articles, croquis, notes de Jules Momméja, ainsi que des papiers de la famille Momméja, propriétaire à Caussade.

3 J Fonds de manuscrits
Ce fonds, composé de pièces isolées et de fonds émanant de diverses sources, de copies et d’originaux, d’études et de notes préparatoires, recèle, parmi les originaux, le journal de la guerre 1914-1918 par Jules Momméja.


Archives Départementales du Lot-et-Garonne(Agen)

Ce fonds, remis par la famille en 1958 est répertorié sous les côtes 2J 310 à 2J 335 bis. Un inventaire sommaire a été réalisé. Sur feuilles volantes, il est consultable sur place. Ces papiers concernent essentiellement l’archéologie et la préhistoire de l’Agenais et du Tarn-et-Garonne, sous forme de notes de lectures, d’esquisses d’articles, de dessins et de calques. Quelques documents intéressent plus spécialement le folklore.

- 2J 310 : un manuscrit du XVIIIe siècle, vraisemblablement celui de l’arrière grand-père Chanavé que Momméja retrouva dans les archives de sa famille en 1908, comprenant des "Sonnets chrétiens", une "Prière pour les protestants françois" en vers, des "Complaintes en vers sur Roussel" et "La mère de Roussel", pasteur exécuté à Montpellier en 1728, une "Complainte sur l’exécution du pasteur Rochette et des trois frères de Grenier en 1762" et un "Cantique protestant".

- 2J 318-319. Fouilles de Sos. Lettres, plans, photographies.
On plonge au coeur du cabinet de travail de l’archéologue-folkloriste. On voit nettement comment, pour soutenir la Controverse des Sotiates, et combler les lacunes des fouilles, Momméja fit appel à la tradition orale, aux "légendes historiques" qu’il affectionnait.

- 2J327 : Notes sur Peiresc
Étudiant la correspondance de Peiresc, il tente de montrer qu’il fut le premier antiquaire. Remarquons qu’il partage avec Peiresc une même compréhension de l’évolution : on comprend "certaines bizarreries des moeurs de l’antiquité par l’étude rationnelle des moeurs et coutumes des sauvages modernes". (Momméja, sans date).

104 J 1-28 Fonds Momméja
Il s’agit de documents originaux divers réunis par Momméja, notes historiques, bibliographiques et archéologiques sur l’ensemble des communes agenaises. Notes sur les sénéchaussées du Sud-Ouest, la muséographie, les collectionneurs, l’archéologie, les familles de Sos, Nérac, les congrès archéologiques, les érudits ; croquis et dessins (d’après le répertoire provisoire par Lucile Bourrachot, Agen, sans date, 4p.)



Pour en savoir plus...

Jules Momméja est surtout connu pour ces travaux d’archéologie beaucoup moins pour ses travaux de folkloriste. Du reste, sa notoriété n’excédant plus aujourd’hui le cadre des archives départementales d’Agen et de Montauban et de la Société Archéologique du Tarn-et-Garonne, sa vie et son oeuvre ne sont guère l’objet de recherche. Cependant, on consultera avec profit les ouvrages suivants :

Delord, J.-F., 1998. "Les Cahiers Noirs de Jules Momméja ou le regard d’un honnête homme sur la Grande Guerre", Bulletin de la Société Archéologique et Historique du Tarn-et-Garonne, tome CXXIII, pp 139-148.

Laporte, A., 1991. Jules Momméja ou le témoignage au quotidien, Mémoire de maîtrise, Université de Toulouse le Mirail.

Moulinié, V., 2001. "Jules Momméja. Parcours d’un érudit sous la Troisième République", Le savant, l’érudit et le populaire, Maison des Sciences de l’Homme, Collection Ethnologie de la France, Paris (à paraître).

Vezins, R. de, 1928. “ Jules Momméja ”, Bulletin de la Société Archéologique du Tarn-et-Garonne

Viguié, P., 1928. "Souvenirs de Jules Momméja", Bulletin de la Société Archéologique du Tarn-et-Garonne.

Signature
Véronique Moulinié
Chercheur CNRS (Lahic/IIAC)


En quelques mots...

Pierre-Jules Mommeja, dit Jules Mommeja, naît le 13 août 1854 à Caussade (Tarn-et-Garonne) et meurt à Moissac (Tarn-et-Garonne) le 11 janvier 1928.
Passionné d’histoire locale et d’histoire de l’art, il sera conservateur du musée d’Agen de 1898 à 1917.
Archéologue et critique d’art, il a laissé une œuvre abondante d’écrivain, de dessinateur et de collectionneur, ainsi qu’une chronique passionnante de la vie quotidienne « à l’arrière » durant la Première Guerre mondiale : Les Cahiers noirs.
Antonin Perbosc en a fait « le procureur général de la république des lettres occitanes ».