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Jean Florimond Boudon de Saint-Amans (1748-1831), entre esprit des Lumières et érudition

BIOGRAPHIE

Jean Florimond Boudon de Saint-Amans est né à Agen le 24 juin 1748 d’une famille de la vieille noblesse agenaise dont le nom est connu depuis le XVe siècle.
Fils aîné de “noble François Boudon, seigneur de Saint-Amans”, maire d’Agen, et de Marguerite de Raymond, il descend par sa mère du célèbre érudit bordelais Jean Florimond de Raymond (1540-1601), conseiller du roi, “grand maître des eaux et forêts de Guienne” et successeur de Montaigne au Parlement de Bordeaux.

Le militaire
Destiné à la vie militaire, il intègre à 18 ans le régiment d’infanterie de Vermandois, attaché alors à la Marine, avec lequel il accomplira plusieurs voyages dans les Antilles « où, après avoir joué tout son argent, épuisé toutes ses ressources, il se plongea résolument dans la lecture » (J. Andrieu, Bibliographie générale de l’Agenais, p. 263).
En 1773, il quitte la vie militaire et épouse une riche héritière, Marie Gertrude de Guilhem de Lallié, dont il aura 3 enfants, une fille Serène, morte prématurément en 1811 et 2 fils, Honoré (Pierre Honoré), célèbre céramiste (1774-1858), et Casimir (Jean Casimir), officier de cavalerie puis archéologue (1785-1873).
Marié, Jean Florimond revint s’installer à Agen et « reprit et compléta ses études un peu sommaires et apprit le latin et le grec pour pouvoir se livrer avec fruit à sa passion pour les sciences naturelles dont il devait s’occuper toute sa vie » (J. Andrieu, Idem).

L’érudit
La passion de l’étude ne le quittera jamais, s’attachant plus particulièrement, dans le domaine de l’histoire naturelle, à la botanique, mais sans pour autant négliger les « Antiquités » de son pays, comme on désignait alors l’histoire et l’archéologie ; domaines d’études qui l’amèneront à créer avec huit amis savants -de Laville (de Lacépède), de Lafon du Cujula, de Vigué, de Cessac de Lacuée, Lamouroux, les abbés Carrière et Paganel- une société savante : la Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts d’Agen, qui tint sa première séance le 1er janvier 1776.

Ses relations avec l’Angleterre
Boudon de Saint-Amans sera également proche des milieux de la sociabilité britannique et cultivera « une grande connaissance de la langue anglaise ». A titre anecdotique, en 1802, lors d’un voyage en Angleterre, il visite le site de Stonehenge.

L’homme politique
Cette vie vouée à l’étude et à l’érudition ne l’empêche pas de s’investir dans la vie publique agenaise, sous quelque régime que ce soit.
Homme politique, il est consul d’Agen en 1779 et 1783, commissaire du roi en 1791 pour la formation du département de Lot-et-Garonne, puis président de l’Administration de ce département.
En 1800, date de création du département, il est élu président du Conseil général de Lot-et-Garonne et le restera jusqu’à sa mort survenue à Agen le 28 octobre 1831.

Le professeur
Démis de ses fonctions en tant que noble en 1793, il est nommé dès 1794 membre de la Commission d’agriculture auprès du ministère de l’Intérieur, avant d’être désigné comme membre du Jury central de l’Instruction publique et, en 1796, professeur d’histoire naturelle à l’Ecole centrale de Lot-et-Garonne, où : « Après avoir débuté par les notions d’anatomie, de physiologie nécessaires pour donner son cours de l’histoire naturelle de l’homme, il y traitait de ses mœurs et de ses habitudes qui dérivent ainsi que ses lois de sa nature physique. L’entomologie succédait à celui de l’homme et celui de botanique terminait les travaux de l’année ». (“Causerie sur Saint-Amans et autour de Saint-Amans” par son fils Casimir. Appendice aux Correspondants de Grandidier, IV Jean Florimond Boudon de Saint-Amans. Fragments de lettres à Grandidier publiées par Ph. Tamizey de Larroque, Paris, A. Picard et Colmar, H. Huffel, 1895, p. 15).

Le « jardinier botaniste »
Enseignant la botanique, il crée un jardin des plantes à Agen, afin d’offrir « un moyen d’étendre la culture des plantes, de présenter aux cultivateurs, aux officiers de santé, aux pharmaciens, aux herboristes, des ressources, des moyens d’instruction et à tous les citoyens la facilité d’acquérir des connaissances (…) Il y donnait des cours raisonnés de Botanique ». (Idem, p. 21).

L’"archéologue" et le collectionneur
Comme beaucoup d’“antiquaires”, Boudon de Saint-Amans s’est constitué dès 1790 un cabinet de curiosités, « le seul qu’il y eût en ville », cabinet qui présentait alors selon son fils Casimir « un très grand nombre d’objets précieux et rares qu’il s’est procurés dans ses nombreux voyages en Amérique et aux Pyrénées, en France et en Angleterre et à l’aide d’une correspondance très étendue avec des savants, des amateurs, des marchands ». (Idem, p. 27).
De plus, comme en 1818 le ministre de l’Intérieur le charge de dresser l’inventaire des monuments antiques et médiévaux de son département, il entame la rédaction d’un “Essai sur les antiquités du département de Lot-et-Garonne” (1ère publication en 1821), pour lequel il sillonne la région à la recherche des monuments antiques et médiévaux qu’il inventorie, décrit, fouille même parfois, et en recueille des vestiges qui viennent augmenter les collections de sa maison d’Agen ou de sa propriété de Saint-Amans toute proche, constituant ainsi un véritable musée lapidaire à l’origine de la collection archéologique de l’actuel musée d’Agen (fondation 1876).
Il participera en outre à l’établissement de la Statistique du Département de Lot-et-Garonne publiée par le préfet de l’époque, Jean Pieyre (1755-1839), en l’An X.
(Référence exacte : Statistique du Département de Lot-et-Garonne par le citoyen Pieyre, préfet, publiée par ordre du Ministère de l’Intérieur, Paris, Imprimerie des Sourds-Muets, An X [1801-1802], 64p. (Collection Statistique des Préfets). Réédition, Hachette/BNF, 1975).

L’écrivain
Littérateur, Saint-Amans rédigera une « Cryptographie agenaise » qui témoigne des singularités pittoresques de son temps et sont riches d’observations ethnographiques, ainsi que plusieurs journaux de voyages qui « décèlent l’écrivain aimable, l’observateur philosophe, soigneux de ne rien omettre de ce que les lieux, les accidens de terrain, les monumens, l’agriculture, les mœurs et l’industrie présentent de vraiment remarquable » (F. Jouannet. Eloge de M. Jean Florimond Boudon de Saint-Amans (…). Recueil de l’Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, 1832, p. 12).
Il aima aussi à versifier. Nous citerons pour exemple ces quelques vers composés par Saint-Amans pour son ami historien alsacien, l’abbé Grandidier (1752-1787) :

« Sous ces fidèles traits la muse de l’histoire
A reconnu son jeune favori,
Le dieu des vers son poète chéri,
L’Amitié son héros et l’Alsace sa gloire
 ».

Ainsi que Le Voyage de Puymirol (1782), publié par Adolphe Magen, secrétaire perpétuel de la Société académique d’Agen, dans la Revue de l’Agenais en 1884 (tome 11, p. 184-191) :

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Le Voyage de Puymirol, poésie de Saint-Amans










Entre esprit des Lumières et érudition
Personnalité « extrêmement originale et prenante » (René Bonnat), « intelligence admirable (…) servie par une grande mémoire et une vive aptitude au travail intellectuel » (Y. Pérotin), Jean Florimond Boudon de Saint-Amans appartient encore au siècle des Lumières tout en participant de l’émergence de l’érudition qui marque les débuts du XIXe siècle.


SOCIABILITE

Sociétés savantes
Boudon de Saint-Amans était membre titulaire ou correspondant de plus de 20 sociétés savantes, entre autres :

- La Société libre des Sciences, Belles-Lettres et Arts d’Agen (actuelle Société Académique d’Agen) dont il est l’un des fondateurs en 1776.

- L’Académie des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux fondée en 1712 et dont Montesquieu fut membre

- La Société linéenne de Bordeaux

- La Société linéenne de Lyon

- La Société linéenne de Paris (1787-1922)

- L’Académie celtique (1804-1812), dont il est “associé correspondans national”, et qui deviendra la Société des Antiquaires de France (royale ou nationale selon les régimes).

- La Société des Antiquaires d’Ecosse, où il est reçu en 1825

Personnes
Grandidier (Philippe André, abbé) - Lacépède (Bernard germain Etienne de la Ville-sur-Illon, comte de) - Lafont du Cujula - Lamouroux (Claude) - Ramond de Carbonnières (Louis François, Elisabeth) - Tamizey de Larroque (Philippe)

Petit aperçu de son activité savante agenaise
Travaux lus dans les séances de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts d’Agen, par Jean Florimond Boudon de Saint-Amans
Janvier 1785 – Le Spectateur champêtre
Avril 1785
– Zélima, anecdote américaine
Mai 1786 – Lettres d’un voyageur en Amérique, sur l’histoire naturelle des petites Antilles
Janvier 1787 – Eloge de Linné
Mars 1787 – Almanzor et Mirza, anecdote persane
Janvier 1788 – Mémoire sur les causes et les remèdes de la maladie qui attaque les arbres des promenades de la ville d’Agen
Janvier 1789 – Journal d’un voyage aux Pyrénées
Mai 1790 – Rapport sur les marais de Brax et Monbusq, par MM. de Saint-Amans et Lomet
Messidor an VII
– Précis d’un voyage agricole, botanique et pittoresque dans les Landes
Nivôse an VIII – Description abrégée du département de Lot-et-Garonne
Pluviôse an IX – Rapport sur un ouvrage de M. Rougier-Labergerie, relatif à l’abus des déchiffrements et à la destruction des bois et forêts
Ventôse an IX – Recherches sur des monnoies anciennes
Germinal an IX – Description de l’hieracium eriophorum, plante nouvelle trouvée à la Teste-de-Buch [Gironde]
Nivôse an X – Précis historique des émigrations des Boyens
Frimaire an XI – Traduction du mémoire de M. Howard sur les substances pierreuses et métalliques tombées de l’atmosphère, etc.


BIBLIOGRAPHIE

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Principales publications de Saint-Amans de son vivant


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Publications posthumes











Pour en savoir plus sur Boudon de Saint-Amans

Andrieu, Jules. Bibliographie générale de l’Agenais et des parties du Condomois et du Bazadais incorporées dans le département de Lot-et-Garonne. Paris, A. Picard, 3 vol. 1886-1891. Notice sur Jean-Florimond Boudon de Saint-Amans : tome second, p. 263-267.

Bartayrès, Antoine. “Eloge de M. de Saint-Amans”. Recueil des Travaux de la Société d’Agriculture, Sciences et Arts d’Agen, tome III, 1834, p. 137-172. Et Eloge de M. de Saint-Amans lu devant la Société d’Agriculture, Sciences, Lettres et Arts d’Agen. Agen, Prosper Noubel, 1874.

Bilhèse, abbé. “Jean-Florimond Boudon de Saint-Amans : services et campagnes d’un agenais”. Revue de l’Agenais, 1962 et 1963.

Chaudruc de Crazannes, Jean-César-Marie-Alexandre, baron. Notice historique et biographique sur M. de Saint-Amans. Agen, P. Noubel, 1832.

Drucbert, Marie-Françoise. Jean-Florimond Boudon de Saint-Amans (1748-1831) ; ou L’Influence du Siècle des Lumières en province ; ou L’Empirisme en politique. Bordeaux, université de Droit, mémoire de maîtrise, 1972, 55p.

Jouannet, F. “Eloge de M. Jean Florimond Boudon de Saint-Amans, membre du conseil général de lot-et-Garonne depuis la création de ce conseil...” Académie royale des Sciences, Belles-Lettres et Arts de Bordeaux, 1832, p. 89-110.

Lauzun, Philippe. “Biographie de Saint-Amans”. Revue de l’Agenais, 1913, p. 93

Lauzun, Philippe. Les Manuscrits de la Bibliothèque de Saint-Amans. Agen, imprimerie Lamy, 1889

Lettres inédites de Ramond, Strasbourgeois, membre de l’Institut, surnommé le peintre des Pyrénées. Toulouse, Privat, 1893. [Lettres de Ramond adressées à son grand ami Boudon de Saint-Amans. Elles recèlent bon nombre de renseignements sur Saint-Amans et sa famille]

Magen, Adolphe. Ramond de Carbonnières et Boudon de Saint-Amans… Agen, Lamy, 1883, 16p.

Momméja, Jules. “Les journaux de mer de J.-F. Boudon de Saint-Amans”. Revue de l’Agenais, 1902, p. 12 et 202

Momméja, Jules. “Quelques documents inédits sur Boudon de Saint-Amans”. Revue de l’Agenais, 1902, p. 438.

Paraillous, A. “Boudon de Saint-Amans et l’esclavage des nègres”. Revue de l’Agenais, n° 1, 2000, p. 79-84

Péleran, E. “Saint-Amans peint par lui-même”. Revue de l’Agenais, 1948, p. 236

Pérotin, Yves. “Qui était Boudon de Saint-Amans ?”. Revue de l’Agenais, 1956, p. 73

Saint-Amans, Pierre-Honoré Boudon de. Fragmens de correspondance de feu M. de Saint-Amans avec son fils aîné et Mme de Saint-Amans. Agen, P. Noubel, 1832, 44p.

Tamizey de Larroque, Philippe. J.F. Boudon de Saint-Amans : fragments de lettres à Grandidier. Paris, A. Picard, 1895, 39p.


FONDS JEAN FLORIMOND BOUDON DE SAINT-AMANS

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Inventaire des archives Boudon de Saint-Amans












ARTICLES EN RELATION

- Académie celtique

- Société académique d’Agen

- Jules Momméja





Auteur
Florence Galli-Dupis
Ingénieur CNRS
LAHIC équipe du IIAC : Institut Interdisciplinaire d’Anthropologie du Contemporain (UMR 8177 CNRS - EHESS)
2009


Savant naturaliste et “antiquaire”, agronome et littérateur, homme politique et « jardinier botaniste » comme il aimait à se qualifier, Boudon de Saint-Amans est en 1776 l’un des fondateurs de la Société des Sciences, Belles-Lettres et Arts d’Agen, actuelle Société académique d’Agen.


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