Mémoires de la Retirada











Faisant suite au travail d’enquête réalisé par Véronique Moulinié et Sylvie Sagnes dans le cadre du projet « Des exilés politiques aux vaincus magnifiques : mémoire des républicains espagnols (février 1939)" (Mission à l’ethnologie et Cité nationale de l’histoire de l’immigration), le film tente de restituer la manière dont se construit la mémoire des républicains espagnols exilés en France, telle qu’elle est portée, aujourd’hui, par la seconde génération, non pas celle des combattants mais celle de leurs descendants, enfants et petits-enfants. S’attardant sur les lieux, les moments, les gestes, les objets, les mots dans lesquels s’ancre cette mémoire, la caméra tente de suggérer la diversité de ses expressions, individuelles et collectives. Mais le documentaire porte plus spécialement sur une association, FFREEE (Fils et Filles de Républicains Espagnols et Enfants de l’Exode), implantée dans le département frontalier des Pyrénées-Orientales. Après avoir retracé les circonstances de sa naissance, il s’attarde sur les formes qu’y empruntent, en son sein, la militance mémorielle. Il donne aussi à comprendre comment cette mémoire se distingue de celle des pères. Il montre notamment la manière dont la rhétorique mémorielle des descendants de réfugiés participe, à l’instar de toutes les mémoires des traumatismes de l’Histoire, de "l’avènement de la victime" à laquelle a présidé, la première, la mémoire de la Shoah. Ainsi, explique le film, les figures du réfugié, de l’interné et de l’enfant font-elles une percée fulgurante au panthéon de la mémoire où elles font de l’ombre à celle du valeureux combattant, engendrant dès lors de nouveaux symboles. Enfin, le documentaire s’attache à mettre en lumière cette autre évolution majeure de la mémoire de la Retirada qu’est le sort fait à la dimension politique de l’exode et de l’exil. Celle-ci, essentielle, fondait l’identité à part des immigrés de 1939, qui n’auraient souffert d’être assimilés aux "économiques". Or les deuxième et troisième générations rompent avec cette identité, ou du moins avec les multiples déclinaisons qu’impliquait l’appartenance à tel ou tel courant anarchiste, communiste, ou socialiste, et corollairement, avec les dissensions induites par celles-ci. Comme on peut le voir dans le film, les militants de la mémoire arborent un passé politiquement lisse, reconnaissant à leurs parents une affiliation simplement républicaine, avant de revendiquer pour eux-mêmes un héritage génériquement de gauche.


Pour en savoir plus :

Véronique Moulinié est ethnologue au CNRS (IIAC, équipe LAHIC, Paris/Carcassonne). Elle a notamment publié La Retirada. Mots et images d’un exode(Carcassonne, GARAE/Hésiode, 2009), ouvrage dans lequel elle analyse la production intellectuelle et artistique dans les camps de Républicains espagnols.

Sylvie Sagnes est ethnologue au CNRS (IIAC, équipe LAHIC, Paris/Carcassonne). Parallèlement à la recherche conduite sur la mémoire de la Retirada, elle anime, dans le cadre d’une coopération France – Brésil (programme CAPES-COFECUB), un atelier de recherche portant sur les « maux de mémoire ».


1ère présentation et projection publique du film :
Mémoires de la Retirada
Mardi 11 décembre 2012 à 18 heures
Maison des Mémoires à Carcassonne
Film écrit par Véronique Moulinié et Sylvie Sagnes
réalisé par Marie Chevais, production CNRS - Images