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Joseph Maffre (1893-1975)

Joseph Maffre fait partie de ces hommes que la trajectoire de leur vie identifie complètement à un lieu, pour lui le village de Rouffiac d’Aude, à peu de distance de Carcassonne. Descendant d’une famille de vignerons il incarnera à son tour, sa vie durant, cette tradition. L’estime que lui portaient ses concitoyens était telle qu’en 1935 il fut choisi comme maire « malgré lui », ce qui ne l’empêcha pas d’assumer cette mission jusqu’à la fin de sa vie. A bien regarder son parcours il semble incarner au mieux la complexité de ces personnages, héritiers du 19ème siècle, qui croisent les perspectives en s’adonnant à plusieurs genres sans jamais vraiment abandonner l’un ou l’autre de leurs centres d’intérêt. Rien d’étonnant à ce qu’il ne commence ses recherches par l’histoire locale et qu’il les amplifie, au fil du temps, par des investigations archéologiques. Rien d’étonnant non plus à voir la place de la poésie, en vers ou en prose, chez un homme profondément marqué par le poids du félibrige et de ses disciples. En fait chez Maffre comme chez ses compagnons l’essentiel tourne autour de la langue d’oc, redécouverte dans sa version scripturale et largement magnifiée. Comme ses proches il collabore à différentes revues locales ou régionalistes qui mettent en avant l’occitan. L’abbé Salvat par exemple, voyant en lui un bon exemple de ces mainteneurs issus de la ruralité lui fera place au sein de sa revue Lo Gai Saber et en fera même un membre du collège d’Occitanie qu’il a fondé. Peut-être faudra-t-il retracer un jour les péripéties du parcours de ces érudits de village qui, à moment donné, croisent le chemin de ce qu’il est alors convenu d’appeler le folklore ou, de façon plus moderne, les arts et traditions populaires. Outre sa rencontre avec l’abbé Salvat qui le confortera dans son sentiment de dignité et de richesse de la langue d’oc, c’est le contact avec le Groupe Audois d’Etudes Folkloriques, en 1938, qui sera une étape décisive dans ses choix d’écriture et dans la diversité de ses registres. Cette année là le colonel Fernand Cros-Mayrevieille regroupe autour de lui une équipe de jeunes intellectuels, écrivains, professeurs, maîtres d’école, pharmacien… passionnée par les arts et traditions populaires et il crée dans le même temps une revue, Folklore, qui sera l’organe du jeune groupe. Désireux de se démarquer des revues régionalistes existantes, considérées comme passéistes, ou des groupes un peu mièvres spécialisés dans les danses folkloriques, le colonel sollicite et obtient le soutien de Gorges-Henri Rivière qui vient d’être nommé à la tête du Musée National des Arts et Traditions Populaires. Le souci d’une caution nationale ne signifie pas pour autant condescendance envers les personnalités locales, bien au contraire. En effet un des premiers soucis du Gaef est de mettre en place, à côté du noyau constitutif et décisionnel un réseau de correspondants locaux qui sont appelés à devenir les artisans de la revue, ceux qui en apporteront la matière. C’est sans doute parce qu’ils connaissent ses curiosités et qu’ils ont lu ses premiers travaux que Cros-Mayrevieille et les siens vont faire appel à Joseph Maffre en lui proposant de devenir le représentant du groupe pour Rouffiac, tâche qu’il accepte immédiatement. Cependant, sinon des réticences on sent au moins quelques hésitations voire quelque crainte chez le jeune viticulteur qui, s’il est sûr de sa langue, l’est peut-être moins de son savoir, et ses premières contributions se font en collaboration avec un « aîné » qui confirme l’intérêt et la qualité des matériaux qu’il propose, qu’il s’agisse du vétéran Matthieu Laurent d’Olonzac ou du grand linguiste Louis Alibert. Mais ces hésitations n’ont qu’un temps, et, assez vite, Joseph Maffre, plus assuré, livrera sous son seul nom des documents particulièrement précieux. Ils le sont d’autant plus qu’il s’agit d’observations directes, de témoignages personnels ou de souvenirs. Il en va ainsi pour les versions des contes populaires qu’il a relevées après les avoir entendues directement de la bouche du conteur, même s’il ne donne pas toujours les éléments de contextualisation comme il était coutume de le faire à une époque où le texte primait. Au demeurant, avec le temps, il ne destinera pas ses apports à la seule revue Folklore, mais les diffusera auprès des bulletins des sociétés savantes locales qui l’ont accueilli en leur sein. La lecture de ses contributions rend difficile d’esquisser une thématique tant sa curiosité l’a fait se mettre à l’écoute de toutes les productions populaires. Ainsi bon collecteur de littérature orale, qu’il s’agisse des contes, des légendes ou des jeux de langue, il se fait par ailleurs observateur attentif des pratiques agricoles ou des métiers artisanaux, collectant les prières en occitan, il se penche aussi sur les radeliers ou la médecine populaire…De fait il apparaît un peu comme l’un des meilleurs représentants de ces polygraphes que leur connaissance exceptionnelle de la société traditionnelle laissait à l’aise dans toutes les péripéties du quotidien, capables d’en déchiffrer les aspects les plus triviaux comme les plus inattendus. Il peut donc être considéré comme un fertile passeur dont les chroniques permettent de saisir la diversité d’une société rurale à l’orée de profondes mutations, mais, dans le même temps, il nous éclaire sur les enjeux et les modalités de la constitution d’une nouvelle discipline qui voit le folklore se transformer en ethnographie avant de devenir ethnologie au sens contemporain du terme.

Travaux

. Chansons.
- « Chansons pour nouvelles mariées recueillies en Limouxin », Folklore, n°126, 1967.
- « La cançon de l’òme pitchon », Folklore, n°160, 1975.

. Croyances.
- « Les valets sorciers », Folklore, n°30, 1943.
- « A propos de las brechas (les sorcières) », Folklore, n°48, 1947.

. Jeux d’enfants.
Devinettes
- (Avec Laurent Mathieu) « Devinettes, devinalhas  », Folklore, n°19, 1939.
- « Au coin du feu : devinettes occitanes », Folklore, n°141, 1971.
- « Craba,es tu craba ? », Folklore, n°15, 1939.

. Littérature orale.

Contes
- Contes d’un grilh del Carcasses, ms, archives familiales. Contient les contes et histoires suivants :
L’autò
Baptista a Paris
Un bon garda
Las cabras
Lo canonge
Causida
Lo cerca l’aiga
Lo cinema a la bòrda
Debrumbaira
Las doas voses
La faisa de patanas
La femna longa
La fièra remesa
Lo fuòc bufa
Los gendarmas
Lo gos, lo pastre e lo marrat
Lo gorbejaire
Lo grilh
Jòcs de paciència
La lantèrna roja
Octavas, conte de Nadal
L’òme sord
Lo Parisenc de Briva
La pendula
Pas maridat
Passejada agradiva
Lo pelut de l’Armand
Per correr milhor
Pregaria d’un mainatge
Lo tornibus
Tòrt in pè
Lo tren mancat
Trocaire
Vantarèl
Lo vent


- (Avec Louis Alibert) « Las nau vertats », Folklore, n°11, 1939.
- (Avec Louis Alibert et René Nelli), Folklore, n°12, 1939.
- « Le conte du Dracus », Folklore, n°120, 1965.
- « Jean de sept à la fois », Folklore, n°126, 1967.
- « Le conte de l’amusé », Folklore, n°128, 1967.
- « Un conte populaire des Corbières : les hommes en blanc (Les emblancats) », Folklore, n°130, 1968.
- « Le moine changé en âne », Folklore, n°135, 1963.
- « Le mic-mac (Lo mica-maca) », Folklore, n°121,1966.
- « Contes populaires de l’Aude », Folklore, n°141, 1971.
- « L’homme qui vendit sa fille au diable », Folklore, n°149, 1973.
- « Contes et notules : Jan le malaisit. Lo lop e la mandra »,Folklore, n°160, 1975.
- « Les figues et le crapaud. Diète et petit », Folklore, n°159, 1975.

Légendes
- « A propos du salvatge », Folklore, n°160, 1975.
- La legenda de l’Afenàs, Castelnaudary, Editions Occitanes, 1940.
- Tartarà, Castelnaudary, Editions Occitanes, 1938.
- « La legenda del lhaucet », Folklore, n°109, 1963.
- « La légende des jours qui se prêtent », Folklore, n°128, 1967.

. Médecine populaire.
- « Pour faire cesser le hoquet », Folklore, n°126,1967.

. Métiers.
- « Le marchand de triaca », Folklore, n°20, 1940.
- « Le montreur d’ours », Folklore, n°160, 1975.
- Mestièrs d’antan, Quillan, Institut d’Estudis Occitans, 2008.

. Religion populaire.
- « Prières superstitieuses », Folklore, n°30, 1943.
- « Prière du laboureur », Folklore, n°122, 1966.
- « Prière du soir », Folklore, n°128, 1967.
- « A propos de l’occitan à l’église », Folklore, n°142,1971.

. Travaux.
- « Le battage du grain dans l’Aude », Folklore, n°45, 1946.
- « Documents et matériaux », Folklore, n°30, 1943.
- « La moisson dans l’Aude », Folklore, n°45, 1946.
- « Lo molin del vent », Terra d’Oc, n55, 1944.
- « Le transport du bois par flottage sur l’Aude vers 1895 », Folklore, n°25, 1941.

. Varia à tonalité ethnographique.
- « L’abat Lois Baichera », La Beluga de Limos, n°7, 1955.
- « L’Acrim cremat », Gai Saber, n°149, 1937.
- Lo conse malgrat el, Castelnaudary, Editions Occitanes, 1939.
- Plors terradorencs, Castelnaudary, Editions Occitanes, 1941.
- « Croix de mission à Rouffiac », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1944.
- « Per lo Canal de las Doas Mars  », Occitania, n°3, 1948.
- « La vigne dans le Limouxin », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1950.
- « Magnaneraie à Rouffiac d’Aude », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1954.
- « Les deux moulins de Rouffiac d’Aude », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1956.
- « Le flottage du bois sur l’Aude », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1962.
- « De la déformation linguistique des noms de lieux », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1962.
- « L’abbé Bouichère, curé de Preixan », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1965.
- « Manifestation viticole à Pomas », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1967.
- « Histoire de Rouffiac, la vie économique », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1967.
- « Notes de folklore audois », Folklore, n°131-132, 1968.
- « La feuille de route d’un conscrit de Rouffiac d’Aude en 1814 », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1969.
- « Sur l’origine de certains lieux dits », Bulletin de la Société d’Etudes Scientifiques de l’Aude, 1969.
- « L’ours dans le folklore audois », Folklore, n°133,1969.
- « Quand le cadastre vient au secours de l’histoire », Mémoires de la Société des Arts et Sciences de Carcassonne, 1970.
- Pluèga d’estèlas, Gai Saber, n°362, 1972.
- « L’implantation de la vigne dans la région de Limoux », Mémoires de la Société des Arts et Sciences de Carcassonne, 1975.
- Marion, Académie des Jeux floraux, ms, 1952.
- Lo sanc del Miegjorn, ms, Cirdoc.
- Senhèr marescal, ms, Cirdoc.
- La soca, ms, Cirdoc.
- Mon village, Rouffiac-d’Aude, ms, archives familiales.
- Amas pagesas, ms, archives familiales.
- L’Audenca, ms, Cirdoc.
- Bastisseires, ms, Académie des Jeux Floraux.
- Carnets de guerre. Le chant de la nuit, archives familiales, copie déposée au Garae.

Jean-Pierre Piniès, Ethnologue
Secrétaire Général Ethnopôle Garae
Chercheur Associé CNRS, laboratoire Lahic, Equipe IIAC, Paris.


Vigneron, érudit, ethnographe