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Fictions historiques et production des territoires

Poursuivant ses travaux sur les usages publics de l’histoire l’ethnopôle Garae, en collaboration avec le LAHIC (CNRS - Ministère de la Culture), le Centre d’Etudes Cathares et l’ ADREUC, propose de scruter un phénomène aujourd’hui de plus en plus répandu. Il s’agit de l’utilisation de l’histoire - racontée et représentée -comme référence et socle d’identification pour un pays, un département, une région... Cette identité reformulée devient le plus souvent la matière première d’une politique de la culture, du tourisme et de développement local.
Le terme « fiction historique » qui est ici utilisé ne comporte aucune nuance dépréciative, il signale simplement le fait que ce n’est point l’histoire positive et critique des historiens professionnels qui fournit le fondement de ces usages identitaires mais une histoire déployée autour de récits, de héros et de hauts lieux, un imaginaire historique fixé plus qu’un savoir débattu et révisable.
Le colloque vise à explorer quatre situations françaises contemporaines. La principale est la promotion audoise de la notion de « Pays cathare ». Elle sera confrontée à trois autres mises en relation du territoire et de l’histoire : les guerres révolutionnaires en Vendée, les templiers sur le Larzac, les chemins de Saint Jacques de Compostelle dans le Sud Ouest de la France et le Nord Ouest de l’Espagne.
A vrai dire le recours au récit historique comme justification ultime d’une communauté n’est pas nouveau, la diffusion moderne de l’Etat-nation comporte partout ce type de création imaginaire. Mais, par rapport aux pratiques du XIXème siècle, nous observons aujourd’hui un changement d’intention, d’échelle et de contenu.
La communauté imaginée de ceux qui se reconnaissent plus ou moins dans la même histoire ne se réfère plus à la nation (fût-ce pour mettre en valeur les ressources du passé local), elle n’illustre plus une histoire qui l’engloberait, elle s’efforce, au contraire, de marquer la spécificité de son histoire eu de son rapport à l’histoire dominante, celle que l’on enseigne à l’école.
Le territoire que cette histoire fonde est en cours d’invention ou de réinvention pour cause de défaut d’identité. C’est pourquoi, à côté de départements conduits à affirmer, dans une phase de décentralisation et de régionalisation, leur spécificité, nous trouvons aussi bien des petits pays que des entités supra-régionales en quête de reconnaissance.
L’histoire qui est mise en valeur appartient, le plus souvent, aux recoins obscurs de l’histoire dite officielle. Abondent ici les faits de résistance, de dissidence, de marginalité... Mais cette mémoire des oubliés et des vaincus doit devenir assez consensuelle pour servir de blason commun. D’où le privilège accordé au Moyen Age qui fait figure de passé par essence, de référence dépassionnée ou, plutôt, réinvestie par des significations moins polémiques.

PROGRAMME

Daniel Fabre : L’usage public de l’histoire

Jean Luc Bonniol : Le Larzac des templiers

Charles Suaud : En Vendée, une politique de l’histoire

Elena Zapponi : Les marcheurs de Saint Jacques en quête d’un territoire

Laurent Avezou : Prendre racine : quand l’histoire s’approprie l’espace

Michel Roquebert : Le catharisme : chronique d’une redécouverte

Marie Carmen Garcia : « Cathares » les usages d’un mot

William Genieys : Le catharisme au pays : ressource historique et développement local

Table ronde : Le catharisme : emblème et produit


Journées d’études à Carcassonne, 2001